Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voquait au parterre ce dialogue obligé : « Il l’embrassera… il ne l’embrassera pas !… »

L’usage était, entre le troisième et le quatrième acte, lorsque l’intervalle se prolongeait trop, de faire aboyer un chien, — ou crier un enfant. Des gamins, payés, s’écriaient alors : « Assoyez-vous donc sur le moutard ! » Et tout était dit. L’orchestre entonnait, au besoin, la Parisienne, — permise alors.

Harel me dit, après dix minutes d’entr’acte : « — Les étudiants ont leurs casquettes… Mais ont-ils bien besoin de masques ?

— Comment ! pour la scène du tribunal secret !… Vous le demandez ?

— C’est que l’on s’est trompé : l’on ne nous a envoyé que des masques d’arlequin… Ils ont cru qu’il s’agissait d’un bal ; — parce que dans les drames modernes il y a toujours un bal au quatrième acte.

— Où sont ces masques ? dis-je, en soupirant, à Harel.

— Chez le costumier.

J’entrai là, au milieu des imprécations de tous les ouvriers étudiants qui, sur ma parole, s’étaient engagés à jouer des rôles sérieux.

— Masques d’arlequins !… me disait-on, — cela ne va pas trop avec notre costume.

Mélingue et Raucourt, qui avaient des masques à eux, en velours noir, se prélassaient dans le foyer, sûrs de n’être pas ridicules. Mais les affreux masques des étudiants, avec leurs nez de carlin et leurs moustaches frisées, m’inquiétaient beaucoup. — Baucourt dit : — Il n’y a qu’un moyen, c’est de rogner les moustaches. Le nez est un peu écrasé, mais pour des conspirateurs cela ne fait rien. On dira : — qu’ils n’ont pas eu de nez.

Enfin, pour sauver l’acte, nous nous mîmes tous, madame Mélingue, Raucourt, Mélingue et Tournai), — à couper les barbes des masques d’arlequin, qui, à la rampe, faisaient scintiller leur surface luisante, et ôtaient un peu de sérieux à la scène du Saint-Vehmé.

Quelqu’un me dit : — « Harel vous trahit. » — Je n’ai jamais voulu le croire.