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— Vous êtes bien bon, me dit-il, de vous donner tant de peine. La censure n’existe pas en ce moment.

— J’ai des raisons de penser le contraire.

— Elle existe de fait et non de droit…, comprenez-vous ?

— Comment ?

— Il y a trois ans, le ministère a obtenu un vote provisoire des chambres pour le rétablissement de la censure, mais sous la condition du présenter une loi définitive au bout de deux ans.

— Hé bien ?

— Hé bien, — il y a trois ans de cela.

Sans être un homme processif, je sentis qu’il y avait là nécessité de soutenir, non pas mes intérêts, les écrivains y songent rarement, — mais ceux de ma production littéraire.

J’allai trouver Me Lefèvre, le défenseur agréé et attitré de l’association des auteurs dramatiques. Me Lefèvre me dit fort poliment : « Vous pouvez avoir raison… Mais notre association évite prudemment de s’engager dans les questions politiques. De plus, mes opinions me font un devoir de m’abstenir. Vous trouverez d’autres agréés qui soutiendront votre affaire avec plaisir. »

J’allai trouver Me Schayé, qui me dit : « Vous avez raison : ils sont dans une position fausse. Nous allons leur envoyer du papier timbré. »

Le lendemain, je reçus une lettre qui m’accordait une audience du ministre de l’intérieur… à cinq heures du soir.

Le ministre me reçut entre deux portes et me dit : « Je n’ai pu encore lire votre manuscrit ; je l’emporte à la campagne. Revenez, je vous prie, après demain, à la même heure, »

Je fus obligé de prendre mon tour pour l’audience. J’attendis longtemps et il était tard lorsque je fus introduit. — Mais que ne ferait pas un auteur pour sauver sa pièce !

Le ministre m’adressa un salut froid et chercha mon manuscrit dans ses papiers. N’ayant alors jamais vu de près un ministre, j’examinai la figure belle mais un peu fatiguée de M. de Montalivet. — Il appartenait à cette école politique qu’affection-