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aux saltimbanques, aux hercules et aux animaux savants. La foule se pressait surtout devant une femme à deux nez et à trois yeux, dont l’un occupe le milieu du front. Ce dernier n’est pas très ouvert, mais les deux nez sont incontestables, et donnent à la femme, quand elle se tourne, deux profils réguliers et différents. Il faut recommander ce phénomène aux méditations de M. Geoffroy Saint-Hilaire. J’ai pu voir encore le dernier acte d’Haydée et complimenter l’impresario, qui est l’un des fils de Monrose.

Le lendemain, j’ai fait un tour dans le célèbre bois de La Haye, qui, comme on sait, est planté sur pilotis, ce qui a été nécessaire pour affermir le terrain. — En revanche, j’ai vu un spectacle non moins étrange que les sirènes et la cyclopesse. On va croire que je rédige une relation à la manière de Marco Polo : ce n’était rien moins qu’une troupe de singes qui folâtraient en liberté dans les tilleuls qui bordent le canal. Les corbeaux, troublés dans leur asile, ne pouvaient comprendre cette invasion d’animaux inconnus, et défendaient avec acharnement leurs malheureuses couvées. On riait à se tordre au pied des arbres. Il est assez rare de voir rire des Hollandais ; mais quand ils s’y mettent, cela ne finit plus.

Les soldats du poste montraient le corps d’un corbeau auquel l’un des singes, étourdi de ses piaillements, avoit tordu le cou fort habilement. Il n’en avait aucun remords, et tantôt s’amusait à croquer