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pée assez crânement, et doit consoler ce mort illustre des outrages que le bon goût lui a fait subir. Elle faisait moins bien autrefois sur le quai de l’Escaut, en face de la Tête de Flandre. Je suis entré dans un des cafés de la place pour demander une côtelette ou un beefsteak. — Nous n’avons plus de viande, me dit-on, parce que c’est demain vendredi. — Mais c’est demain que vous ne devriez pas en avoir ! — Pardon, c’est que, comme on n’en vendra pas demain dans la ville, les ménages s’en approvisionnent aujourd’hui.

Je vois qu’à Anvers la religion est aussi bien suivie qu’à Londres, où l’on achète le samedi une grande quantité de porter, de sherry et de gin, afin de pouvoir se griser en liberté le dimanche, seul jour où cela soit défendu.

Pourquoi ne pas dire que les salles de danse du port, vulgairement nommées riddecks, sont en ce moment ce qu’il y a de plus vivant à Anvers ? Pendant que la ville se couche une heure après qu’elle a couché les enfants, c’est-à-dire à dix heures, les orchestres très-bruyants de ces bals maritimes résonnent le long des canaux comme au temps des Espagnols. On parle bien à Paris du bal Mabille et du Château-Rouge : je puis donc parler ici de ces réunions cosmopolites, qui ne sont qu’un peu plus décentes. — Le jour où j’arrivais à Anvers, il y avait un banquet de soixante-deux capitaines de navires