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ensuite au centre du pays le plus plat de la terre une ville qui n’est que montagnes : montagne de la Cour, montagne du Parc, montagne des Larmes, montagne aux Herbes potagères, etc. ; on y éreinte les chevaux ou les chiens pour une course de dix minutes ; tout flâneur y devient poussif ; des rues embrouillées au point de passer parfois les unes sous les autres ; des quartiers plongés dans les abîmes, tandis que d’autres se couronnent de toits neigeux comme les Alpes ; le tout offrant du reste un beau spectacle, tant d’en haut que d’en bas. On rencontre dans la rue Royale, qui longe le parc, une vaste trouée, d’où l’on peut voir, à vol d’oiseau, le reste de Bruxelles mieux qu’on ne voit Paris du haut de Notre-Dame. Les couchers de soleil y sont d’un effet prodigieux. Sainte-Gudule s’avance à gauche sur sa montagne escarpée comme une femme agenouillée au bord de la mer et qui lève les bras vers Dieu ; plus loin, du sein des flots tourmentés que figurent les toits, le bâtiment de l’hôtel de ville élève son mât gigantesque ; ensuite vient un amas confus de toits en escaliers, de clochers, de tours, de dômes ; à l’horizon brillent les bassins du canal, chargés d’une forêt de mâts ; à gauche s’étendent les allées du boulevard de Waterloo, les bâtiments du chemin de fer, le jardin botanique avec sa serre qui semble un palais de féerie, et dont les vitres se teignent des ardentes lueurs du soir. Voilà Bruxelles dans son beau, dans sa parure féodale,