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vieilles forêts de pins et de chênes et les cités bienveillantes où m’attendaient des amis inconnus, je ne pouvais parvenir à leur persuader que j’étais moi-même. On disait : « Il est mort, quel dommage ! une vive intelligence, bonne surtout, sympathique à notre Allemagne, comme à une seconde mère, — et que nous apprécions seulement depuis son dernier instant illustré par Jules Janin… Et vous qui passez parmi nous, pourquoi dérobez-vous la seule chose qu’il ait laissée après lui, un peu de gloire autour d’un nom. Nous les connaissons trop ces aventuriers de France, qui se font passer pour des poètes vivants ou morts, et s’introduisent ainsi dans nos cercles et dans nos salons ! » Voilà ce que m’avaient valu les douze colonnes du Journal des Débats, seul toléré par les chancelleries ; — et dans les villes où j’étais connu personnellement, on ne m’accueillait pas sans quelque crainte en songeant aux vieilles légendes germaniques de vampires et de morts-fiancés. Vous jugez s’il était possible que, là même, quelque bourgeois m’accordât sa fille borgne ou bossue. C’est la conviction de cette impossibilité qui m’a poussé vers l’Orient.

Je serais toutefois plus Allemand encore que vous ne pensez si j’avais intitulé la présente épitre : Lettre d’un mort, ou Extrait des papiers d’un défunt, d’après l’exemple du prince Puckler Muskau.

C’est pourtant ce prince fantasque et désormais