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LORELY

marguerite. Ainsi, te voilà revenu, et je ne pourrai te voir davantage !

léo. C’est pourquoi je ne voulais pas que l’on t’apprit mon retour ce soir.

marguerite. Oh ! si l’on m’avait dit autrefois que nous serions dans la même ville, et qu’il y en aurait un de nous qui cacherait sa présence à l’autre…

léo. Si l’on t’avait dit cela, eh bien !… tu ne m’aurais pas choisi pour mari ; n’est-ce pas ce que tu veux dire ? C’est juste : les femmes ont besoin que l’on ne s’occupe que d’elles. Il faut qu’un mari soit toute sa vie un amant, et qu’il songe sans cesse à les divertir de cet ennui profond qui les accable toutes, depuis que la société leur a imposé le désœuvrement comme une convenance !

marguerite. Assez, mon ami ; vous n’avez pas besoin de vous armer contre moi de vos graves idées de réforme. L’amour n’est pas dans les longues heures perdues, il est dans un mot qu’on dit, dans une main qu’on serre, dans l’expression d’un adieu.

un domestique. Son Altesse attend monseigneur dans son cabinet.

léo. Tu vois, mon amie. Que veux-tu que je te dise encore ? Le temps est changé : proscrit, toutes mes heures étaient à moi, et par conséquent à nous : ministre, tous mes instants sont au prince, au peuple, à l’Allemagne. Pardonne moi, Marguerite,