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SCÈNES DE LA VIE ALLEMANDE.

instant, dussiez-vous m’arracher le cœur, comme avec vos premières paroles ! Écoutez !… Si je ne suis pas reçu de vous, si je ne vous vois pas à toute heure, comme le premier indifférent peut le faire… c’est que vous savez bien que des liens sacrés me rattachent aux ennemis de votre époux. Je ne le méprise pas, vous voyez… Il a d’autres principes, et des opinions sévères nous séparent jusqu’à la mort ! Marguerite, ah ! ne me défendez pas de vous aimer… non, je veux dire de penser à vous seulement, et votre mari, qui vous délaisse, ne s’apercevra jamais d’une sympathie d’âmes, si pure, si discrète, qu’elle ne prétend rien sur la terre, et qu’elle est, pour ainsi dire, un espoir de la vie du ciel !…

marguerite. Comment pouvez-vous penser à Dieu et me parler ainsi ?

frantz. Dieu n’a pas prononcé l’éternité des unions humaines : il y a dans certains pays des lois qui peuvent les dissoudre… Et partout il y a la mort !

marguerite. Taisez-vous.

frantz. La mort ! elle nous entoure, elle rampe sous ces fleurs et aux lueurs de cette fête ! Pardonnez-moi de vous frapper de crainte, mais il faut que vous le sachiez pourtant ! Vous ne voyez donc pas qu’il se prépare ici des luttes sanglantes ! Avant deux jours, peut-être, les amis et les époux se chercheront, inquiets et pleurants, comme le lendemain d’un combat ou d’un incendie !