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mures, toutes les imprécations, toutes les prières, venus à travers les bouillonnements du fleuve, de l’autre côté du Rhin.

« Si jeune encore, comme vous voyez, il avait eu toutes les fantaisies, il avait obéi à tous les caprices. Nous lui pouviez appliquer toutes les douces et folles histoires qui se passent, dit-on, dans l’atelier et dans la mansarde, tous les joyeux petits drames du grenier où l’on est si bien à vingt ans, et encore c’eût été vous tenir un peu en deçà de la vérité. Pas un jeune homme, plus que lui, n’a été facile à se lier avec ce qui était jeune et beau et poétique ; l’amitié lui poussait comme à d’autres l’amour, par folles bouffées ; il s’enivrait du génie de ses amis comme on s’enivre de la beauté de sa maîtresse ! Silence ! ne l’interrogez pas ! où va-t-il ? Dieu le sait. À quoi rêve-t-il ? que veut-il ? quelle est la grande idée qui l’occupe à cette heure ? Respectez sa méditation, je vous prie, il est tout occupé du roman ou du poëme et des rêves de ses amis de la veille. Il arrange dans sa lête ces turbulentes amours ; il dispose tous ces événements amoncelés ; il donne à chacun son rêve, son langage, sa joie ou sa douleur. — Eh bien ! Ernest, qu’as-tu fait ? Moi j’ai tué cette nuit cette pauvre enfant de quinze ans, dont tu m’as conté l’histoire. Mon cœur saigne encore, mon ami, mais il le fallait ; cette enfant n’avait plus qu’à mourir ! — Et toi, cher Auguste, qu’as-tu fait de ton jeune