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LORELY

sommes des voyageurs, et nous en avons les privilèges : avertissez-la, dites-lui que seule je serais entrée chez elle, mais que je lui amène un ancien ami.

frantz. Un ancien ami, dites-vous ? Hélas ! c’est affaiblir le mot d’ami que de le rattacher au passé ! Cet homme ne nous connaît pas : les vieux serviteurs sont morts ou renvoyés. La maison n’est plus la même, voyez-vous ! et si je ne retrouvais là sous les croisées cette délicieuse vue des bords du Mein qui nous a fait rêver tant de fois ; les montagnes, les eaux, la verdure, les choses de Dieu que l’homme ne peut changer ; eh bien ! je ne saurais à quoi rattacher ici mes souvenirs… Le salon a pris un air tout moderne, les vieux meubles ont disparu, avec le souvenir des vieux parents peut-être, et des anciens amis, sans doute.

diana. Homme injuste ! Croyez-moi, les femmes n’oublient que ce qu’elles ont besoin d’oublier ! Depuis une semaine que je suis à Francfort, j’ai vu Marguerite tous les jours, je l’ai retrouvée ce qu’elle était, ma meilleure amie ; et quant à vous, qui avez les mêmes titres que moi à son affection, des souvenirs communs, des relations de famille plus rapprochées encore… je pense que vous ne lui avez donné nulle raison de réserve ou de froideur ?…

frantz. Oh ! jamais.

diana. Je viens de passer quatre ans en Angleterre, et depuis trois ans vous avez parcouru l’Ita-