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À JULES JANIN.
Cologne, 21 juin.

Vous la connaissez comme moi, mon ami, cette Lorely ou Lorelei, — la fée du Rhin, — dont les pieds rosés s’appuient sans glisser sur les rochers humides de Baccarach, près de Coblentz. Vous l’avez aperçue sans doute avec sa tête au col flexible qui se dresse sur son corps penché. Sa coiffe de velours grenat, à retroussis de drap d’or, brille au loin comme la crête sanglante du vieux dragon de l’Éden.

Sa longue chevelure blonde tombe à sa droite sur ses blanches épaules, comme un fleuve d’or qui s’épancherait dans les eaux verdàtres du fleuve. Son genou plié relève l’envers chamarré de sa robe de brocard, et ne laisse paraître que certains plis obscurs de l’étoffe verte qui se colle à ses flancs.

Son bras gauche entoure négligemment la mandore des vieux Minnesængers de Thuringe, et entre