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peine le temps de songer aux derniers mots de Zéfire, que les pas de son ami Loiseau se firent entendre dans l’escalier.

Loiseau n’était pas de bonne humeur ; ses compagnons de l’imprimerie n’avaient pu lui prêter que fort peu de chose : il apportait seulement du sucre pour le malade et du pain pour lui-même. Une odeur de pot-au-feu le surprit tout d’abord. C’était le dîner que le fruitier avait monté pour Zéfire, laquelle y avait à peine touché.

— À la bonne heure, dit Loiseau, ce brave homme a pitié de nous !

Et il tira la table pour profiter de cette aubaine. Un sac d’écus roula à terre.

— Qu’est-ce que cela ? dit Loiseau.

Nicolas n’était pas moins étonné que lui :

— T’aurait-on envoyé de l’argent de ton pays ?

— Eh ! qui donc songe à moi ?… excepté toi et… Mais c’est elle !

— Qui elle ?

— Zéfire, que tu as rencontrée ce matin, et qui est venue me soigner en ton absence.

— Comment ? une fille du monde ?…

— Toutes les idées de l’honnête Loiseau étaient renversées ; tantôt il admirait la bonté et le dévouement de la jeune fille, tantôt il voulait aller reporter l’argent impur déposé par elle. Enfin, sachant qu’elle devait revenir le lendemain, il mit l’argent dans la malle pour le lui rendre.

Le lendemain matin, Zéfire reparut ; elle était si jolie, si naïve, si touchante dans sa pitié, que Loiseau fut attendri.

— Qu’importe où soit la vertu ? s’écria-t-il, je me prosterne et je l’adore !… mais cet argent, nous ne pouvons l’accepter…

Zéfire comprit sa pensée.

— Cet argent vient de mon père, dit-elle ; c’est ma sœur aînée qui me le gardait et qui me l’a donné en apprenant qu’il y avait un pauvre malade à secourir.

Loiseau se laissa aller et à ouvrir le sac et à compter les écus