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— Le ciel me punit, dit-elle… C’est une leçon terrible ! Je m’étais fait un rêve avec cette union de famille qui nous aurait rapprochés et rendus tous heureux, sans crime ! Il n’y faut plus penser…

— Ah ! madame, que dites-vous ?

— Tu n’as pas voulu être mon frère ! s’écria Mme Parangon, hélas ! tu auras été l’amant d’une morte ; je ne survivrai pas à cette honte !

— Ah ! ce mot-là est trop dur, madame !

Et Nicolas se leva pour sortir avec une résolution sinistre.

— Il a donc encore une âme ! dit la malade… Où allez-vous ?

— Où je mérite d’être !… J’ai outragé la divinité dans sa plus parfaite image… je n’ai plus le droit de vivre…

— Restez ! dit-elle ; votre présence m’est devenue nécessaire… Notre vue mutuelle entretiendra nos remords… Mon existence, cruel jeune homme, dépend de la tienne : ose à présent en disposer !…

— Je suis indigne de votre sœur, dit Nicolas fondant en larmes ; aussi bien, eussé-je été son mari, c’est vous toujours que j’aurais aimée. C’est pour ne pas me séparer de vous que j’acceptais l’idée de cette union ! Moi vous être infidèle, même pour votre sœur, je ne le veux pas !…

Et il s’enfuit en prononçant ces paroles. Il se rendit aux allées qui côtoyaient alors les remparts de la ville, cherchant à calmer l’exaltation morale qui l’aurait tué après les douleurs d’une scène pareille.

C’était un lundi : la promenade était couverte d’ouvriers en fête qui jouaient à divers jeux, de jeunes filles qui se promenaient par groupes isolés de deux ou trois ensemble. Nicolas reconnut là quelques habituées des salles de danse qu’il avait récemment fréquentées. Il essaya de se distraire en s’unissant à l’une de ces parties de plaisir qui, du moins, laissaient le cœur libre et calmaient l’esprit par une folle agitation. Après un repas qui eut lieu à la campagne, Nicolas quitta ses amis,