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Il était devenu très-amoureux de la femme d’un Irlandais nommé Odricot, enfermé à la Bastille sans que son mari même sût qu’elle existât si près de lui. Corbé et Giraut (aumônier) faisaient la cour à cette dame, qui devint grosse enfin… et l’on ne put savoir de qui était l’enfant.

Cependant, Corbé se persuada qu’il était de lui seul, et parvint, par ses relations, à obtenir la grâce de la dame Odricot, qui était fort belle, quoique un peu rouge de cheveux. Corbé était très-avare, au point qu’on lui attribuait la mort d’un ministre protestant, nommé Cardel, qu’il aurait laissé périr de faim pour hériter de quelques pièces d’argenterie que possédait ce pauvre homme. Mais la dame Odricot sut le dominer au point qu’il se ruina à lui donner un carrosse, des domestiques et tous les dehors d’une grande existence. Sur des plaintes assez fondées, on finit par le casser, et tout porte à croire qu’il finit malheureusement.

Bernaville, gorgé d’or à ce point que l’on calcula qu’il devait faire six cent mille francs de bénéfice, par an, sur les prisonniers, fut remplacé par Delaunay, seulement vers l’époque de la mort de Louis XIV. Le dernier prisonnier de considération qu’il eût reçu était ce jeune Fronsac, duc de Richelieu, que l’on avait surpris un jour caché sous le lit de la duchesse de Bourgogne, épouse de l’héritier de la couronne… Les mauvaises langues du temps remarquèrent qu’il était triste que les lauriers du duc de Bourgogne ne l’eussent pas préservé d’un tel affront. Il mourut, du reste, peu de temps après, laissant à Fénelon le regret d’avoir perdu beaucoup de belles pensées et de belles phrases à l’instruire des devoirs de la royauté.

IX

CONCLUSION

Nous avons montré l’abbé de Bucquoy s’échappant de la Bastille, ce qui n’était pas chose facile ; il serait maintenant