Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/465

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Corbé vint le voir, et lui dit :

— On va vous transporter ailleurs. Mais vous voyez ce qu’ont amené vos desseins d’évasion.

— D’évasion ! s’écria l’abbé. Mais qui pourrait espérer de se tirer de la Bastille ? Cela est-il arrivé déjà ?

— Jamais ! Hugues Aubriot, qui avait fait terminer cette forteresse et qui y fut plus tard enfermé, n’en sortit que par suite d’une révolution faite par les maillotins. C’est le seul qui en soit sorti contre le vouloir du gouvernement.

— Mon Dieu ! dit l’abbé, sans la maladie qui m’a frappé, je ne me plaindrais de rien…, sinon des crapauds qui laissent leur bave sur mon visage quand ils passent sur moi pendant mon sommeil.

— Vous voyez ce qu’on gagne à la rébellion.

— D’un autre côté, je me fais une consolation en instruisant des rats auxquels je livre le pain du roi, que ma maladie m’empêche de manger… Vous allez voir comme ils sont intelligents.

Et il appela :

— Moricaud !

Un rat sortit d’une fente de pierre et se présenta près du lit de l’abbé.

Corbé ne put s’empêcher de rire aux éclats, et dit :

— On va vous mettre dans un lieu plus convenable.

— Je voudrais bien, dit l’abbé, me trouver de nouveau avec le baron de Peken. J’avais entrepris la conversion de ce luthérien, et, mon esprit se tournant vers les choses saintes à cause de la maladie dont Dieu m’a frappé, je serais heureux d’accomplir cette œuvre.

Corbé donna des ordres, et l’abbé se vit transporté à une chambre du second étage dans la tour de la Bretaudière, où le baron de Peken se trouvait depuis quelques jours en compagnie d’un Irlandais.

L’abbé continua à faire le paralytique, même devant ses compagnons, car ce qui était arrivé à la tour du Coin l’avait