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légers, et que l’un voulait forcer à s’engager dans le régiment du comte de Tonnerre. C’était alors une sorte de presse qui s’exerçait sur les grands chemins pour fournir des soldats aux guerres de Louis XIV.

Ces projets d’évasion ne réussirent pas, et l’abbé de Bucquoy fut convaincu d’avoir engagé la fille du concierge à en faciliter les moyens. À deux heures après minuit, on entra dans sa chambre, on lui mit fort civilement les fers aux mains et aux pieds, puis on le fourra dans une chaise, escorté d’une douzaine d’archers.

À Montereau, il invita les archers à dîner avec lui, et, bien qu’ils fissent une grande surveillance, il parvint à se débarrasser de certains papiers compromettants. Ces archers ne firent pas grande attention à ce détail ; mais, en badinant, le soir, au souper, ils lui dirent qu’ils le défiaient bien de s’échapper.

On le mit au lit, en l’enchaînant par un pied à l’une des colonnes. Les archers se couchèrent dans la chambre d’entrée. L’abbé de Bucquoy, lorsqu’il les jugea suffisamment endormis, parvint à soulever le ciel du lit et fit passer sa chaîne par le haut de la colonne, où on l’avait attaché. Puis il cherchait à gagner la fenêtre, lorsqu’un des gardes, dont il avait heurté les souliers, s’éveilla en sursaut et cria à l’aide.

On le lia plus étroitement, il fut amené à Paris par le coche de Sens, à l’hôtel de la Clef d’argent, rue de la Mortellerie. N’ayant pas de rancune, il donna encore à goûter aux archers.

Parfaitement surveillé, à cet endroit, il fut conduit par deux hoquetons, au For-l’Évêque, qui était situé sur le quai du Louvre.

Au For-l’Évêque, l’abbé de Bucquoy resta huit jours sans être interrogé. Il avait la liberté de se promener dans le préau, et réfléchissait au moyen qu’on pourrait prendre pour s’évader.

Il avait remarqué, en entrant, que la façade du For-l’Évêque