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supprimer le vicaire. Rousseau s’y refuse, se retranchant derrière le libraire de Hollande. Duchesne lui répond que cette édition sera falsifiée. Rousseau, que cette nouvelle trouble jusqu’au délire, voit entrer Saint-Lambert, qui, averti par madame d’Épinay, vient l’accuser de déloyauté. Rousseau reste confondu. »


À AUBONNE


« Rousseau a voulu revoir madame d’Houdetot. Elle est dans les larmes à cause de la jalousie de Saint-Lambert. Rousseau s’élève jusqu’à l’offre de sa vie. « Mais non, » reprend-il, « le parlement me poursuit. Dis un mot, et je vais, malgré toutes les instances, me livrer au bourreau qui a déjà lacéré mon livre. » Saint-Lambert entre. Il a tout entendu, ouvre ses bras et pardonne, — et lui annonce qu’il est chargé par MM. de Luxembourg et Malesherbes de réclamer leurs lettres compromettantes et de hâter sa fuite. — Ici, Rousseau lâche une tartine contre les grands, les magistrats et les prêtres, dit qu’il répondra et écrasera l’archevêque Beaumont, qui a la lâcheté de le calomnier en pleine chaire, et qu’il emportera dans son exil la joie d’avoir ébranlé jusqu’à la ruine cette société inique, prédit les horreurs d’une catastrophe révolutionnaire. (Il part.) »


À MOTIERS-TRAVERS


« Thérèse et l’inconnu se concertent pour obliger Rousseau à quitter la Suisse ; ils rappellent ce qu’ils ont déjà fait pour cela : la scène des enfants ameutés pour le lapider, leur dénonciation au consistoire, etc. ; enfin, ils arrêtent que l’inconnu fera une réclamation scandaleuse. Tout cela pour arriver à vivre dans une grande ville où ils puissent être à l’abri de l’opinion, et plus à portée de certaines ressources. Rousseau entre, il est malade et en costume d’Arménien ; — il vient d’herboriser ; il tient de la ciguë et de la pervenche ; il parle tout seul de madame de Warens, du suicide, de l’injustice des hommes, de ses souffrances, de son amour de la pa-