Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Nous demandons Ver, ou Ève…

— Eh bien, vous allez retourner… Vous fereez une demi-lieue (on peut traduire cela si l’on veut en mètres, à cause de la loi) ; puis, arrivés à la place où l’on tire l’arc, vous prendrez à droite. Vous sortirez du bois, vous trouverez la plaine, et ensuite tout le monde vous indiquera Ver.

Une politesse en vaut une autre. Cependant, le bûcheron ne voulut pas accepter un cigare, — en quoi je le blâme.

Nous avons retrouvé la place du tir, avec sa tribune et son hémicycle destiné aux sept vieillards. Puis nous nous sommes engagés dans un sentier qui doit être fort beau quand les arbres sont verts. Nous chantions encore, pour aider la marche et peupler la solitude, une chanson du pays qui a dû bien des fois réjouir les compagnons :


Après ma journée faite… — Je m’en fus promener ! (Bis.)
En mon chemin rencontre — Une fille à mon gré.
Je la pris par sa main blanche… — Dans les bois je l’ai menée.
Quand elle fut dans les bois, — Elle se mit à pleurer.
« Ah ! qu’avez-vous, la belle ?… — Qu’avez-vous à pleurer ?
— Je pleure mon innocence… — Que vous m’allez ôter !
— Ne pleurez pas tant, la belle… — Je vous la laisserai.
Je la pris par sa main blanche. — Dans les champs je l’ai menée.
Quand elle fut dans les champs… — Elle se mit à chanter.
— Ah ! qu’avez-vous, la belle ? — Qu’avez-vous à chanter ?
Je chante votre bêtise — De me laisser aller :
Quand on tenait la poule, — Il fallait la plumer, etc. »


Ces chansons-là ne finissent jamais ; cependant, ici le sens est complet. Je remarque seulement ce mélange de vers blancs et d’assonances, qui ne nuit nullement à l’expression musicale.

L’exemple est plus beau, certes, dans la chanson dont j’ai cité les premiers vers, et dont l’air est tendre et d’une mélancolie sublime :


Dessous les rosiers blancs,
La belle se promène :