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d’Armen[1] sont communs dans le voisinage, sans parler même d’Ermenonville, située près de là, et qu’on appelle dans le pays Arme-Nonville ou Nonval, qui est le terme ancien.

Pendant que j’en faisais l’observation à Sylvain, nous nous dirigions vers les ruines. Un passant vint dire au fils du garde qu’un cygne venait de se laisser tomber dans un fossé.

— Va le chercher.

— Merci !… pour qu’il me donne un mauvais coup.

Sylvain fit cette observation qu’un cygne n’était pas bien redoutable.

— Messieurs, dit le fils du garde, j’ai vu un cygne casser la jambe à un homme d’un coup d’aile.

Sylvain réfléchit et ne répondit pas.

Le pâté des ruines principales forme les restes de l’ancienne abbaye, bâtie probablement vers l’époque de Charles VII, dans le style du gothique fleuri, sur des voûtes carlovingiennes aux piliers lourds, qui recouvrent les tombeaux. Le cloître n’a laissé qu’une longue galerie d’ogives qui relie l’abbaye à un premier monument, où l’on distingue encore des colonnes bysantines taillées à l’époque de Charles le Gros, et engagées dans de lourdes murailles du xvie siècle.

— On veut, dit le fils du garde, abattre le mur du cloître pour que, du château, l’on puisse avoir une vue sur les étangs. C’est un conseil qui a été donné à madame.

— Il faut conseiller, dis-je, à votre dame de faire ouvrir seulement les arcs des ogives qu’on a remplis de maçonnerie, et alors la galerie se découpera sur les étangs, ce qui sera beaucoup plus gracieux.

Il a promis de s’en souvenir.

La suite des ruines amenait encore une tour et une chapelle. Nous montâmes à la tour. De là, on distinguait toute la vallée, coupée d’étangs et de rivières, avec les longs espaces dénudés qu’on appelle le désert d’Ermenonville, et qui n’offrent que

  1. Hermann, Arminius, ou peut-être Hermès.