Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je les ai chez moi ! Seulement, ce ne serait que pour rendre le livre à la nation. C’est un monument.

La concierge, étonnée, éblouie, consentit avec courage à se rendre à la bibliothèque et à y pénétrer par un petit escalier. L’enthousiasme du savant l’avait gagnée.

Elle revint, après avoir vu le livre sur le rayon où le bibliophile savait qu’il était placé.

— Monsieur, le livre est en place. Mais il n’y a que trois volumes… Vous vous êtes trompé.

— Trois volumes !… Quelle perte !… Je m’en vais trouver le gouvernement provisoire, — il y en a toujours un… — Le Perceforest incomplet ! Les révolutions sont épouvantables !

Le bibliophile courut à l’hôtel de ville. — On avait autre chose à faire que de s’occuper de bibliographie. Pourtant, il parvînt à prendre à part M. Arago, qui comprit l’importance de sa réclamation, et des ordres furent donnés immédiatement.

Le Perceforest n’était incomplet que parce qu’on en avait prêté précédemment un volume.

Nous sommes heureux de penser que cet ouvrage a pu rester en France.

Celui des Aventures de l’abbé de Bucquoy, qui doit être vendu le 20, n’aura peut-être pas le même sort !

Et, maintenant, tenez compte, je vous prie, des fautes qui peuvent être commises, dans une tournée rapide, souvent interrompue par la pluie ou par le brouillard…

Je quitte Senlis à regret ; mais mon ami le veut pour me faire obéira une pensée que j’avais manifestée imprudemment ; les amis sont comme les enfants : ce sont des tourments, c’est encore une locution du pays.

Je me plaisais tant dans cette ville, où la renaissance, le moyen âge et l’époque romaine se retrouvent çà et là au détour d’une rue, dans un jardin, dans une écurie, dans une cave ! — Je vous parlais « de ces tours des Romains recouvertes de lierre. » L’éternelle verdure dont elles sont vêtues fait honte à