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Charlemagne, où sont contenues les épopées de nos plus anciennes guerres chevaleresques.

Il entra dans la cour du palais, se frayant un passage au milieu du tumulte. C’était un homme grêle, d’une figure sèche, mais ridée parfois d’un sourire bienveillant, correctement vêtu d’un habit noir, et à qui l’on ouvrit passage avec curiosité.

— Mes amis, dit-il, a-t-on brûlé le Perceforest ?

— On ne brûle que les voitures.

— Très-bien ! continuez. Mais la bibliothèque ?

— On n’y a pas touché… Ensuite, qu’est-ce que vous demandez ?

— Je demande que l’on respecte l’édition en quatre volumes du Perceforest, un héros d’autrefois… ; édition unique, avec deux pages transposées et une énorme tache d’encre au troisième volume.

On lui répondit :

— Montez au premier.

Au premier, il trouva des gens qui lui dirent :

— Nous déplorons ce qui s’est fait dans le premier moment… On a, dans le tumulte, abîmé quelques tableaux…

— Oui, je sais, un Horace Vernet… Tout cela n’est rien. — Le Perceforest ?…

On le prit pour un fou. Il se retira et parvint à découvrir la concierge du palais, qui s’était retirée chez elle.

— Madame, si l’on n’a pas pénétré dans la bibliothèque, assurez-vous d’une chose : c’est de l’existence du Perceforest, édition du xvie siècle, reliure blanche en parchemin de Gaume. Le reste de la bibliothèque, ce n’est rien… mal choisi ! — des gens qui ne lisent pas ! — Mais le Perceforest vaut quarante mille francs sur les tables.

La concierge ouvrit de grands yeux.

— Moi, j’en donnerais, aujourd’hui, vingt mille…, malgré la dépréciation des fonds que doit amener nécessairement une révolution.

— Vingt mille francs !