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LETTRE TREIZIÈME


Les Ruines. — Les Promenades. — L’abbaye de Châalis.


Je réfléchis à des fautes nombreuses que j’ai commises dans les lettres que je viens de vous adresser : une erreur de vingt kilomètres, ce n’était rien ; j’ai peine à me familiariser avec ces nouvelles mesures… et je sais pourtant qu’il est défendu de se servir du mot lieues dans les papiers publics. L’influence du milieu où je vis momentanément me fait retourner aux locutions anciennes.

Ma crainte de vous compromettre est telle, qu’en vous renvoyant la lettre qui m’a été adressée de Belgique pour me donner avis d’une vente où se trouvait un livre relatif à la famille de Bucquoy, j’ai ajouté un mot… J’ai déshonoré l’autographe d’un ami inconnu avec ce terme : issu. On avait voulu dire que l’abbé de Bucquoy était le moucheron insaisissable destiné à piquer l’amendement Riancey ; je ne me consolerais pas d’avoir fait lever ce moucheron ; car je respecte toujours la loi. J’ai cru affaiblir cette critique, en disant que le moucheron était issu de l’amendement.

J’ai eu tort ; m’étant imposé cette loi de ne dire que la vérité, — à l’exemple du philosophe dont je vais voir la tombe, et qui avait pris pour devise : Vitam impendere vero ; — je devais pouvoir représenter, au besoin, la lettre que vous m’avez envoyée vierge de toute addition. Il suffit de faire remarquer que je n’attaque pas la loi, mais seulement la fausse interprétation qu’on pourrait lui donner, si elle était appliquée sérieusement.

Quant à moi, vous le savez, je ne risque rien ; mais vous, vous risquez de subir une amende, qui peut s’élever à plus d’un million… Ne rions pas !

Si vous avez inséré ce que je vous ai écrit touchant l’arres-