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vinces qui se rapprochent du nord ou de l’Allemagne, on a pu trouver des Jeanne Darc et des Jeanne Hachette. Mais la masse des femmes françaises redoute la guerre, à cause de l’amour qu’elles ont pour leurs enfants.

Les femmes guerrières sont de la race franque. Chez cette population originairement venue d’Asie, il existe une tradition qui consiste à exposer des femmes dans les batailles, pour animer le courage des combattants par la récompense offerte. Chez les Arabes, on retrouve la même coutume. La vierge qui se dévoue s’appelle la kadra et s’avance au premier rang, entourée de ceux qui sont résolus à se faire tuer pour elle. Mais, chez les Francs, on en exposait plusieurs.

Le courage et souvent même la cruauté de ces femmes étaient tels, qu’ils ont été causes de l’adoption de la loi salique. Et cependant, les femmes, guerrières ou non, ne perdirent jamais leur empire en France, soit comme reines, soit comme favorites.

La maladie de La Corbinière fut cause qu’il se résolut à retourner en Italie. Seulement, il oublia de prendre un passe-port. « Nous fûmes bien confus, dit Angélique, lorsque nous fûmes à une forteresse nommée Reistre, où l’on ne voulut plus nous laisser passer, et où l’on retint mon mari malgré sa maladie. » Comme elle avait conservé sa liberté, elle put aller à Inspruck se jeter aux pieds de l’archiduchesse Léopold pour obtenir la grâce de La Corbinière, — qu’on peut supposer avoir un peu déserté, quoique sa femme ne l’avoue pas.

Munie de la grâce signée par l’archiduchesse, Angélique retourna au lieu où était détenu son mari. Elle demanda aux gens de ce bourg de Reitz s’ils n’avaient rien entendu dire d’un gentilhomme français prisonnier. On lui enseigna le lieu où il était, où elle le trouva contre un poêle, demi-mort, et le ramena à Vérone.

Là, elle retrouva M. de la Tour (de Périgord) et lui reprocha d’avoir fait vendre à son mari son enseigne, ce qui était cause de son malheur. « Je ne sais, ajoute-t-elle, s’il avait en-