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Arrivés à Saint-Marc, les époux s’assirent au banc des sénateurs ; et, là, quoique étrangers, personne n’eut l’idée de leur contester cette place ; car La Corbinière avait des chausses de petit velours noir, avec le pourpoint de toile d’argent blanc, le manteau pareil…, et la petite oie d’argent.

Angélique était bien ajustée, et elle fut ravie, car son habit à la française faisait que les sénateurs avaient toujours l’œil sur elle.

L’ambassadeur de France, qui marchait dans la procession avec le doge, la salua.

À l’heure du dîner, Angélique ne voulut plus sortir de son hôtel, aimant mieux reposer que d’aller en mer en gondole.

Quant à La Corbinière, il alla se promener sur la place Saint-Marc, et y rencontra M. de la Motte, qui lui fit des offres de service, et qui, sur ce qu’il lui parla de la difficulté que lui et Angélique avaient à s’épouser, lui dit qu’il serait bon de se rendre à sa garnison de Palma-Nova, où l’on pourrait en conférer, et où La Corbinière pourrait se mettre au service.

Là, M. de la Motte présenta les futurs époux à Son Excellence le général, qui ne voulut pas croire qu’un homme si bien couvert s’offrît de prendre une pique dans une compagnie. Celle qu’il avait choisie était commandée par M. Ripert de Montélimart.

Son Excellence le général consentit cependant à servir de témoin au mariage…, après lequel on fit un petit festin où s’écoulèrent les dernières vingt pistoles dont les conjoints étaient encore chargés.

Au bout de huit jours, le Sénat donna ordre au général d’envoyer la compagnie à Vérone ; ce qui mit Angélique de Longueval au désespoir, car elle se plaisait à Palma-Nova, où les vivres étaient à bon marché.

En repassant à Venise, ils achetèrent du ménage, « deux paires de draps pour deux pistoles, sans compter une couverte, un matelas, six plats de faïence et six assiettes. »