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» Toute tremblante, je lui répondis :

» — Si mon mari était ici, j’accepterais cet honneur ; mais, n’y étant pas, je supplie très-humblement votre maître de m’excuser.

» Il avait fait arrêter son carrosse à trois maisons de la nôtre, attendant la réponse, laquelle soudain qu’il l’eût entendue, il fit marcher son carrosse, et, depuis, je n’entendis plus parler de lui. »

La Corbinière lui raconta peu après qu’il avait rencontré un fauconnier de son père qui s’appelait La Roirie. Elle eut un grand désir de le voir ; et, quand elle le vit, « il resta sans parler ; » puis, s’étant rassuré, il lui dit que madame l’ambassadrice avait entendu parler d’elle et désirait la voir.

Angélique de Longueval fut bien reçue par l’ambassadrice. Toutefois, elle craignit, d’après certains détails, que le fauconnier n’eût dit quelque chose et craignit qu’on n’arrêtât La Corbinière et elle.

Ils furent fâchés d’être restes vingt-neuf jours à Rome, et d’avoir fait toutes les diligences pour s’épouser sans pouvoir y parvenir. « Ainsi, dit Angélique, je partis sans voir le pape… »

C’est à Ancône qu’ils s’embarquèrent pour aller à Venise, Une tempête les accueillit dans l’Adriatique ; puis ils arrivèrent et allèrent se loger sur le grand canal.

« Cette ville, quoique admirable, dit Angélique de Longueval, ne pouvait me plaire à cause de la mer, et il m’était impossible d’y boire et d’y manger que pour m’empêcher de mourir. »

Cependant, l’argent se dépensait, et Angélique dit à La Corbinière :

— Mais, que ferons-nous ? Il n’y a tantôt plus d’argent !

Il répondit :

— Lorsque nous serons en terre ferme, Dieu y pourvoira… Habillez-vous, et nous irons à la messe de Saint-Marc.