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la demoiselle ajoute :

« Le mauvais traitement que lui avait fait mon père, et le commandement qu’il lui avait enjoint de se tenir dans les bornes de son devoir, ne purent empêcher qu’il ne passât toute cette nuit-là avec moi, par cette invention : mon père lui avant commandé de s’en aller en Beauvoisis, il monta à cheval, et, au lieu de s’en aller vivement, il s’arrêta dans le bois de Guny jusqu’à ce qu’il fût nuit, et alors il s’en vint chez Tancar, à Coucy-la-Ville, et, lorsqu’il eut soupé, il prit ses deux pistolets et s’en vint à Verneuil, grimper par le petit jardin, où je l’attendais avec assurance et sans peur, sachant qu’on croyait qu’il fût bien loin. Je le menai dans ma chambre ; alors, il me dit :

« — Il ne faut pas perdre cette bonne occasion sans nous embrasser : c’est pourquoi il faut nous déshabiller… Il n’y a nul danger… »

La Corbinière fit une maladie, ce qui rendit le comte moins sévère envers lui ; mais, pour l’éloigner de sa fille, il lui dit :

— Il vous en faut aller en garnison à Orbaix, car déjà les autres gendarmes y sont.

Ce qu’il fit avec grand déplaisir.

À Orbaix, le fauconnier du comte ayant envoyé à Verneuil son valet, nommé Toquette, La Corbinière lui donna une lettre pour Angélique de Longueval. Mais, craignant qu’elle ne fût vue, il lui recommanda de la mettre sous une pierre avant d’entrer au château, afin que, si on le fouillait, on ne trouvât rien.

Une fois admis, il devenait très-simple d’aller quérir la lettre sous la pierre, et de la remettre à la demoiselle. Le petit garçon fit bien son message, et, s’approchant d’Angélique de Longueval, lui dit :

— J’ai quelque chose pour vous.

Elle eut un grand contentement de cette lettre. Il témoignait qu’il avait quitté de grands avantages en Allemagne pour venir