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— Je venais, disait-il, de la chambre de M. de la Porte, et ne sais ce que vous voulez me dire de lettres.

Heureusement, La Corbinière avait brûlé les lettres précédemment reçues, de sorte qu’on ne trouva rien. Cependant, le comte de Longueval dit à son fils, en tenant toujours le pistolet à la main :

— Coupe-lui la moustache et les cheveux !

Le comte s’imaginait qu’après cette opération, La Corbinière ne plairait plus à sa fille.

Voici ce qu’elle a écrit à ce sujet :

« Ce garçon, se voyant de cette sorte, voulait mourir, car il croyait, en effet, que je ne l’aimerais plus ; mais, au contraire, lorsque je le vis en cet état pour l’amour de moi, mon affection redoubla de telle sorte, que j’avais juré, si mon père le traitait plus mal, de me tuer devant lui ; lequel usa de prudence, comme homme d’esprit qu’il était, car, sans éclater davantage, il l’envoya avec un bon cheval en Beauvoisis, avertir ces messieurs les gendarmes de se tenir prêts à venir en garnison à Orbaix. »


Commentaire.


Encore les gendarmes !… c’est-à-dire déjà les gendarmes ! … — Eh bien, il n’y en a plus à Senlis. Je les avais trouvés polis, mais un peu susceptibles… Aujourd’hui, ce sont des cuirassiers qui les ont remplacés. Ils brillent au bal de la ville, se répandent dans les lieux publics, et ôtent à un simple piéton toute chance d’attirer les regards des demoiselles de Senlis.

Je n’ai, cette fois, éprouvé aucun désagrément : — j’avais un passe-port criblé de cachets germaniques ; et, de plus, j’ai demandé une voiture à volonté pour me rendre à Ermenonville. Tout, dès lors, m’a souri, et je me suis rappelé cette phrase d’un hôtelier dans un ouvrage de Balzac :

« Ils seront traités comme des princes, — qui ont de l’argent. »