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sion : je n’ai pu rencontrer encore une fille laide à Senlis… celles-là peut-être ne se montrent pas !

Non ; le sang est beau généralement, ce qui tient sans doute à l’air pur, à la nourriture abondante, à la qualité des eaux. Senlis est une ville isolée de ce grand mouvement du chemin de fer du Nord qui entraîne les populations vers l’Allemagne. — Je n’ai jamais su pourquoi le chemin de fer du Nord ne passait pas par nos pays, et faisait un coude énorme qui encadre en partie Montmorency, Luzarches, Gonesse et autres localités, privées du privilége qui leur aurait assuré un trajet direct, Il est probable que les personnes qui ont institué ce chemin auront tenu à le faire passer par leurs propriétés. Il suffit de consulter la carte pour apprécier la justesse de cette observation.

Il est naturel, un jour de fête à Senlis, d’aller voir la cathédrale. Elle est fort belle, et nouvellement restaurée, avec l’écusson semé de fleurs de lis qui représente les armes de la ville, et qu’on a eu soin de replacer sur la porte latérale. L’évêque officiait en personne, et la nef était remplie des notabilités châtelaines et bourgeoises qui se rencontrent encore dans cette localité.

En sortant, j’ai pu admirer, sous un rayon de soleil couchant, les vieilles tours des forfifications romaines, à demi démolies et revêtues de lierre.

En passant près du prieuré, j’ai remarqué un groupe de petites filles qui s’étaient assises sur les marches de la porte.

Elles chantaient sous la direction de la plus grande, qui, debout devant elles, frappait des mains en réglant la mesure.

— Voyons, mesdemoiselles, recommençons ; les petites ne vont pas !… Je veux entendre cette petite-là qui est à gauche, la première sur la seconde marche. — Allons, chante toute seule.

Et la petite se mit à chanter avec une voix faible, mais bien timbrée :

Les canards dans la rivière,… etc.