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s’éloignèrent sans réclamer le spectacle promis des oiseaux, qui devaient se réveiller devant le public.

L’enfant de Paris attentif, et ayant soigneusement compté les bouteilles vendues, s’avança vers la table et dit :

— Et les oiseaux ?

L’opérateur le regarda avec un dédain mêlé de compassion, referma sa boite et répondit à l’enfant par un mot d’argot usuel que je supprime par respect pour les dames, et qui voulait à peu près dire :

— Vous êtes jeune !

Ne me reprochez pas le peu de sérieux d’un tel récit : il peut rencontrer quelques analogies dans le travail des partis politiques. Que de fois on a pipé les assistances crédules avec des oiseaux morts, — ou empaillés !

Ce n’est pas un pareil rôle que je voudrais jouer vis-à-vis des lecteurs. Je n’imiterai pas même le procédé des conteurs du Caire, qui, par un artifice vieux comme le monde, suspendent une narration à l’endroit le plus intéressant, afin que la foule revienne le lendemain au même café. L’histoire de l’abbé de Bucquoy existe ; je finirai par la trouver. Seulement, je m’étonne que, dans une ville comme Paris, centre des lumières, et dont les bibliothèques publiques contiennent deux millions de livres, on ne puisse rencontrer un livre français, que j’ai pu lire à Francfort, et que j’avais négligé d’acheter.

Tout disparait peu à peu, grâce au système de prêt des livres, et aussi parce que la race des collectionneurs littéraires et artistiques ne s’est pas renouvelée depuis la Révolution. Tous les livres curieux volés, achetés ou perdus, se retrouvent en Hollande, en Allemagne et en Russie. Je crains un long voyage dans cette saison, et je me contente de faire encore des recherches dans un rayon de quarante kilomètres autour de Paris.

J’ai appris que la poste de Senlis avait mis dix-sept heures pour vous transmettre une lettre qui, en trois heures, pouvait