Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire au moins trois lieues à pied. Pas une voiture directe. Mais, demain, jour des Morts, c’est un pèlerinage que j’accomplirai respectueusement, tout en pensant à la belle Angélique de Longueval.

Je vous adresse tout ce que j’ai recueilli sur elle aux Archives et à Compiègne, rédigé sans trop de préparation d’après les documents manuscrits et surtout d’après ce cahier jauni, entièrement écrit de sa main, qui est peut-être plus hardi, étant d’une fille de grande maison, que les confessions mêmes de Rousseau. Cela fera patienter vos lecteurs encore touchant les aventures de son neveu l’abbé, auquel elle semble avoir communiqué son esprit d’indépendance et d’aventure.


Histoire de la grand’tante de l’abbé de Bucquoy.


Voici les premières lignes du manuscrit :

« Lorsque ma mauvaise fortune jura de continuer à ne plus me laisser en repos, ce fut un soir à Saint-Rimbaud, par un homme que j’avais connu il y avait plus de sept ans, et pratiqué deux ans entiers sans l’aimer. Le garçon, étant entré dans ma chambre sous prétexte du bien qu’il voulait à la demoiselle de ma mère nommée Beauregard, s’approcha de mon lit en me disant :

» — Vous plaît-il, madame ?

» Et, en s’approchant de plus près, me dit ces paroles :

» — Ah ! que je vous aime, il y a longtemps !

» Auxquelles paroles je répondis :

» — Je ne vous aime point, je ne vous hais point aussi ; seulement, allez-vous-en, de peur que mon papa ne sache que vous êtes ici à ces heures.

» Le jour étant venu, je cherchai incontinent l’occasion de voir celui qui m’avait fait la nuit sa déclaration d’amour ; et, le considérant, je ne le trouvai haïssable que de sa condition, laquelle lui donna, tout ce jour-là, une grande retenue, et il