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Raucourt dit :

— Il n’y a qu’un moyen, c’est de couper les moustaches. Le nez est un peu écrasé, mais, pour des conspirateurs, cela ne fait rien. On dira qu’ils n’ont pas eu de nez.

Enfin, pour sauver l’acte, nous nous mîmes tous, madame Mélingue, Raucourt, Mélingue et Tournan, à couper les barbes des masques d’arlequin, qui, à la rampe, faisaient scintiller leur surface luisante et étaient un peu de sérieux à la scène de la Sainte-Wehmé.

Quelqu’un me dit :

— Harel vous trahit.

Je n’ai jamais voulu le croire.

Quant à la décoration dite de Cicéri, elle nous avait forcés de supprimer un tiers de l’acte ; attendu qu’il était impossible, dans un caveau, de faire les évolutions qu’auraient permises une scène ouverte à plusieurs plans.

Le quatrième acte, réduit à ces proportions, ne justifia pas les craintes qu’avait manifestées la direction des Beaux-Arts.

Heureusement, le talent des acteurs enleva le cinquième acte, qui présentait des difficultés. Le mot le plus applaudi de la pièce fut celui-ci, qui était prononcé par un étudiant : « Les rois s’en vont… je les pousse ! » Le tonnerre d’applaudissements qui suivit ces mots, bien simples pourtant, provoqua cette phrase de Harel :

— La pièce sera arrêtée demain ;… mais nous aurons eu une belle soirée.

L’effet froid du quatrième acte rajusta les choses. Harel, qui espérait peut-être une persécution, ne l’obtint pas.

Toutefois, il réclama au ministère une indemnité pour le retard que les exigences de la censure avaient apporté aux représentations et les pertes qu’il avait faites, faiblement compensées par l’avenir qu’offrait l’éléphant attendu par lui.

Au bout de trente représentations d’été, je vis avec intérêt cet animal succéder aux effets du drame. Les seize ouvriers, qui coûtaient cher, furent congédiés, et je résolus d’aller me