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avoir eu une entrevue avec ce même M. de Pontchartrain dont il sera question dans la Vie de l’abbé de Bucquoy.

La difficulté était de faire remonter la pièce, qui avait perdu une partie de ses acteurs primitifs. Il fallut attendre la fin d’un succès qui se soutenait au théâtre. L’été s’avançait ; Harel me dit :

— J’attends un éléphant pour l’automne ; la pièce n’aura donc qu’un nombre limité de représentations.

On la monta cependant avec les meilleurs acteurs de la troupe : Madame Mélingue, Raucourt, Mélingue, Tournan et le bon Moessard. Ils furent tous pleins de bienveillance et de sympathie pour moi, et surent tirer grand parti d’une pièce un peu excentrique pour le boulevard.

Seulement, les répétitions se prolongèrent encore beaucoup. Un directeur n’est pas dans une très-belle position pécuniaire quand il attend un éléphant. Au cœur de la belle saison, Harel comptait peu sur les recettes qu’il aurait pu recueillir si l’on eût joué la pièce à l’entrée de l’hiver. Une seule décoration nouvelle était indispensable, celle d’un tableau représentant des ruines éclairées par la lune, à Elsenach, près du château de la Wartburg.

J’avais rêvé cette décoration, je l’ai vue en nature, il y a un mois, en quittant l’électorat de Hesse-Cassel pour me rendre à Leipsick.

Harel disait continuellement :

— J’ai commandé le décor à Cicéri. On le posera aux répétitions générales.

On le posa l’avant-veille de la représentation.

C’était un souterrain, fermé avec des statues de chevaliers, pareil à celui dans lequel on jouait le Tribunal secret, à l’Ambigu.

Peut-être encore était-ce le même, qu’on avait racheté et fait repeindre.

Je m’étais mis dans la tête de faire exécuter dans la pièce les chants de Kœrner, rendus admirablement en musique par