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grand talent, on acquiert avec le travail et l’étude, il y a quelquefois du mérite à ne rien solliciter des monarques, bien que l’argent même qui vient de ce côté appartienne encore à la nation. Seulement, cela devient une faveur ; dans les autres cas, c’est souvent un droit.

Je n’ai jamais fait de politique, sauf quelques articles sur des nouvelles étrangères, écrits récemment. Les ouvrages littéraires que j’ai publiés depuis longtemps ont toujours porté l’empreinte du libéralisme avant la République comme depuis. Je pense qu’à moins de fortes convictions dans un sens donné, tout écrivain doit avertir le pouvoir s’il se trompe, — et le peuple s’il est trompé.

En 1839, revenant d’Allemagne, j’avais écrit Leo Burckart pour la Porte-Saint-Martin. Jamais, avant cette époque, Je n’avais eu de rapport avec un ministre ; la pièce, reçue par Harel, était en répétition depuis un mois, lorsqu’il fallut, selon l’usage, envoyer deux manuscrits à la censure. C’était une dépense de soixante francs pour cinq actes et un prologue. Il est vrai qu’on rendait l’un des deux manuscrits. Mais il faut toujours remarquer ici que les écrivains sont grevés en tout plus que les autres producteurs. Exemplaires de livres pour les bibliothèques, exemplaires de manuscrits pour la censure.

Pardon, je m’amuse en répondant au Corsaire, et je le remercie de m’a voir fourni ce moyen de ne pas chercher aujourd’hui l’abbé de Bucquoy.

Je dis donc que, grevés déjà dans la publication de nos travaux par les priviléges d’imprimerie, qui prélèvent sur notre profession une sorte d’impôt représenté par ce qu’on appelle les étoffes, c’est-à-dire le tiers du prix de main-d’œuvre, — en doutez-vous ? — nous le sommes encore par l’existence des priviléges de théâtre, donnés assez souvent à des gens bien pensants, mais ignorants des choses de théâtre, lesquels prélèvent encore un bénéfice sur le talent des auteurs et des artistes ; nous le sommes encore par suite du cautionnement et du timbre des journaux, qui souvent imposent à l’écrivain un directeur