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tés de la longueur de ceux d’un jeune veau. Le sergent ne songea plus à maintenir les privilèges de l’autorité.

En sortant, j’écoutai le dialogue suivant entre la directrice et une dame de Versailles :

— Et cela mange beaucoup de harengs, ces animaux-là ?

— Ne m’en parlez pas, madame, celui-ci nous coûte vingt-cinq francs par jour (comme un représentant). Chaque hareng vaut trois sous, n’est-ce pas ?

— C’est vrai, dit la dame en soupirant…, le poisson est si cher à Versailles !

Je m’informai des causes de la mort du phoque précédent.

— J’ai marié ma fille, dit la directrice, et c’est ce qui en est cause, le phoque en a pris du chagrin, et il est mort. On l’avait cependant mis dans des couvertures et soigné comme une personne… mais il était trop attaché à ma fille. Alors, j’ai dit à mon fils : « Va-t’en en chercher un autre…, et que ce ne soit plus un mâle, parce que les femelles s’attachent moins. » Celle-ci a des caprices ; mais, avec des harengs frais, on en fait tout ce que l’on veut !

Que cela est instructif, l’observation des animaux ! et combien cela se lie étroitement aux hypothèses soulevées par des milliers de livres du siècle dernier ! En parcourant à Versailles les étalages des bouquinistes, j’ai rencontré un in-12 intitulé Différence entre l’homme et la bête. Il y est dit que, pendant l’hiver, les Groenlandais enterrent sous la neige des phoques, « pour les manger ensuite crus et gelés, tels qu’ils les en retirent. »

Ici, le phoque me parait supérieur à l’homme, puisqu’il n’aime que le poisson frais.

À la page 93, j’ai trouvé cette pensée délicate : « Dans l’amour, on se connaît parce qu’on s’aime ; dans l’amitié, on s’aime parce qu’on se connaît. »

Et cette autre ensuite : « Deux amants se cachent mutuellement leurs défauts et se trahissent ; deux amis, au contraire, se les avouent et se les pardonnent. »