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Mes yeux se sont trouvés invinciblement attirés par l’immense tableau qui indique les exercices du Phoque savant.

Je l’avais vu à Paris l’an dernier, et j’avais admiré la grâce avec laquelle il disait papa-maman et embrassait une jeune personne, dont il exécutait tous les commandements.

J’ai toujours eu de la sympathie pour les phoques, depuis que j’ai entendu raconter en Hollande l’anecdote suivante ; — ce n’est pas un roman.

Si l’on en croit les Hollandais, ces animaux servent de chiens aux pêcheurs ; ils ont la tête du dogue, l’œil du veau et les fanons du chat. Dans la saison de la pêche, ils suivent les barques, et rapportent le poisson, quand le pêcheur le manque ou le laisse échapper.

En hiver, ils sont très-frileux, et chaque pêcheur en a un, qu’il laisse se traîner dans sa cabane, et qui, le plus souvent, garde le coin du feu, en attendant quelque chose de ce qui cuit dans la marmite.


Histoire d’un Phoque.


Un pêcheur et sa femme se trouvaient très-pauvres. L’année avait été mauvaise, et, les subsistances manquant pour la famille, le pêcheur dit à sa femme :

— Ce poisson mange la nourriture de nos enfants. J’ai envie de l’aller jeter au loin dans la mer ; il ira retrouver ses pareils, qui se retirent l’hiver dans des trous, sur des lits d’algues, et qui trouvent encore des poissons à manger dans des parages qu’ils connaissent.

La femme du pêcheur supplia en vain son mari en faveur du phoque. La pensée de ses enfants mourant de faim arrêta bientôt ses plaintes.

Au point du jour, le pécheur plaça le phoque au fond de sa barque, et, arrivé à quelques lieues en mer, il le déposa dans une île. Le phoque se mit à folâtrer avec d’autres, sans s’apercevoir que la barque s’éloignait.