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LETTRE TROISIÈME


Un conservateur de la bibliothèque Mazarine. — La souris d’Athènes. — La Sonnette enchantée. — Le canari.


J’avais bon espoir : M. Ravenel devait s’en occuper : ce n’était plus que huit jours à attendre. Et, du reste, je pouvais, dans l’intervalle, trouver encore le livre dans quelque autre bibliothèque publique.

Malheureusement, toutes étaient fermées, hors la bibliothèque Mazarine. J’allai donc troubler le silence de ces magnifiques et froides galeries. Il y a là un catalogue fort complet, que l’on peut consulter soi-même, et qui, en dix minutes, vous signale clairement le oui ou le non de toute question. Les garçons eux-mêmes sont si instruits, qu’il est presque toujours inutile de déranger les employés et de feuilleter le catalogue. Je m’adressai à l’un d’eux, qui fut étonné, chercha dans sa tête et me dit :

— Nous n’avons pas le livre… ; pourtant, j’en ai une vague idée.

Le conservateur est un homme plein d’esprit, que tout le monde connaît, et de science sérieuse. Il me reconnut.

— Qu’avez-vous donc à faire de l’abbé de Bucquoy ? est-ce pour un livret d’opéra ? J’en ai vu un charmant de vous il y a dix ans[1], la musique était ravissante. Le second est plus grandiose. Vous aviez là une actrice admirable… Mais la censure, aujourd’hui, ne vous laissera pas mettre au théâtre un abbé.

— C’est pour un travail historique que j’ai besoin du livre, répondis-je.

Il me regarda avec attention, comme on regarde ceux qui demandent des livres d’alchimie.

  1. Piquillo, musique de Monpon, en collaboration avec Alexandre Dumas.