Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

componction et de tristesse, se lève fièrement et dit aux gens de la maison : « Les clefs ? »

Ici, nous avons deux héritiers après la mort de Binet de Villiers : son frère Binet de Basse-Maison, légataire universel, et son beau-frère Le Pileur.

Deux procureurs, celui du défunt et celui de Le Pileur, travaillaient à l’inventaire, assistés d’un notaire et d’un clerc. Le Pileur se plaignit de ce qu’on n’avait pas inventorié un certain nombre de papiers que Binet de Basse-Maison déclarait de peu d’importance. Ce dernier dit à Le Pileur qu’il ne devait pas soulever de mauvais incidents et pouvait s’en rapporter à ce que dirait Châtelain, son procureur.

Mais Le Pileur répondit qu’il n’avait que faire de consulter son procureur ; qu’il savait ce qui était à faire, et que, s’il formait de mauvais incidents, il était assez gros seigneur pour les soutenir.

Basse-Maison, irrité de ce discours, s’approcha de Le Pileur et lui dit, en le prenant par les deux boutonnières du haut de son justaucorps, qu’il l’en empêcherait bien ; Le Pileur mit l’épée à la main, Basse-Maison en fit autant…

Ils se portèrent quelques coups d’épée sans beaucoup s’approcher. La dame Le Pileur se jeta entre son mari et son frère ; les assistants s’en mêlèrent et l’on parvint à les pousser chacun dans une chambre différente, que l’on ferma à clef.

Un moment après, l’on entendit s’ouvrir une fenêtre ; c’était Le Pileur qui criait à ses gens restés dans la cour « d’aller quérir ses deux neveux. »

Les hommes de loi commençaient un procès-verbal sur le désordre survenu, quand les deux neveux entrèrent le sabre à la main. C’étaient deux officiers de la maison du roi ; ils repoussèrent les valets, présentèrent la pointe aux procureurs et au notaire, demandant où était Basse-Maison.

On refusait de le leur dire, quand Le Pileur cria de sa chambre :

— À moi, mes neveux !