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Prenant pitié de mon embarras, on avait feuilleté les catalogues, remué jusqu’à la réserve, jusqu’à l’amas indigeste des romans, parmi lesquels avait pu se trouver classé par erreur l’abbé de Bucquoy.

Tout à coup, un employé s’écria :

— Nous l’avons en hollandais !

Il me lut ce titre : « Jacques de Bucquoy : Événements remarquables… »

— Pardon, fis-je observer, le livre que je cherche commence par Événements des plus rares…

— Voyons encore, il peut y avoir une erreur de traduction : « … d’un voyage de seize années fait aux Indes. — Harlem, 1744. »

— Ce n’est pas cela… Et cependant, le livre se rapporte à une époque où vivait l’abbé de Bucquoy ; le prénom Jacques est bien le sien. Mais qu’est-ce que cet abbé fantastique a pu aller faire dans les Indes ?

Un autre employé arrive :

— On s’est trompé dans l’orthographe du nom ; ce n’est pas de Bucquoy, c’est du Bucquoy, et, comme il peut avoir été écrit Dubucquoy, il faut recommencer toutes les recherches à la lettre D.

Il y avait véritablement de quoi maudire les particules des noms de famille !

— Dubucquoy, disais-je, serait un roturier…, et le titre du livre le qualifie comte de Bucquoy.

Un paléographe qui travaillait à la table voisine leva la tête et me dit :

— La particule n’a jamais été une preuve de noblesse ; au contraire, le plus souvent, elle indique la bourgeoisie propriétaire, qui a commencé par ceux que l’on appelait les gens de franc-alleu. On les désignait par le nom de leur terre, et l’on distinguait même les branches diverses par la désinence variée des noms d’une famille. Les grandes familles historiques s’appellent Bouchard (Montmorency), Bozon (Périgord),