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pinion de Scaliger, discutant contre Cardan, et conseillant de construire une colombe pareille à celle d’Archytas. Vesiculis amicta aut pelliculibus quibus auri bracteatores aut filiatores utuntur : Avec de la membrane de vessie ou avec cette peau très-fine dont usent les batteurs d’or. — Le père Laurette Laure, qui a beaucoup disserté sur la colombe d’Archytas, a écrit ces paroles, qui sont bien près de la découverte de Montgolfier : « Si l’on expose aux rayons du soleil des œufs vides et contenant de la rosée du matin bien renfermée, ils s’élèvent en l’air et ils s’y soutiennent pendant quelque temps. Si donc on choisissait des œufs des plus grands cygnes, ou que l’on fît des sacs d’une peau très-mince, bien cousus, et qu’on les remplît de nitre, de pur soufre, de vif-argent ou de quelque autre matière semblable qui se raréfie par la chaleur, il faudrait les revêtir extérieurement, conformément à la figure des colombes, et, en les exposant au soleil, ces colombes artificielles imiteraient peut-être le vol des naturelles. Si l’on veut que la colombe soit grande et pesante, employons le feu, adhibeamus ignem. » Mais comment et pourquoi ? Le père Laurette ne le dit pas.

Archytas eut, dit-on, un émule, au xve siècle, dans Jean Muller, astronome franconien, surnommé Regiomontanus, parce qu’il était né à Kœnigsberg (montagne du roi). Il avait fabriqué, au dire de Gassendi son biographe, une mouche de fer volante et un aigle qui plana sur la tête de l’empereur.

Il y eut ensuite à Constantinople, du temps de l’empereur Manuel Comnène, c’est-à-dire au xiie siècle, « un Sarrasin qui passait d’abord pour magicien, mais qui ensuite fut reconnu pour fou. Ce Sarrasin, dit l’Histoire de Constantinople par M. Cousin, monta de lui-même sur la tour de l’Hippodrome. Cet imposteur se vanta qu’il traverserait, en volant, toute la carrière. Il était debout, vêtu d’une robe blanche fort longue et fort large, dont les pans retroussés avec de l’osier lui devaient servir de voile pour recevoir le vent. Il n’y avait personne qui n’eût les yeux fixés sur lui et qui ne lui criât sou-