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par ses feuilles en cœur, et par la faculté qu’a cette plante de se tourner vers son astre, de manière que sa tige en est souvent torse, par ses nombres quatre et cinq, qui sont les nombres de toutes générations dans les divers mondes, se fait connaître être solaire ; et cette plante est le soleil terrestre sur la terre ; il en est de même de plusieurs autres arbres et plantes. »

On a besoin sans doute aujourd’hui, pour supporter de tels raisonnements, de songer toujours à l’époque où ils furent posés. Au temps où Quintus Aucler écrivait, il y avait table rase en fait de religion, et attaquer le christianisme était devenu un lieu commun ; aussi n’est-ce là qu’une introduction historique à la thèse qu’il veut soutenir. Pour Aucler, il y a deux sortes de religions : celles qui organisent la civilisation et le progrès, et celles qui, nées de la haine, de la barbarie ou de l’égoïsme d’une race, désorganisent pour un temps plus ou moins long l’effort constant et bienfaisant des autres. — C’est Typhon, c’est Arimane, c’est Siva, ce sont tous les esprits maudits et titaniques qui inspirent ces religions du néant : « Qu’adorez-vous ? dit-il aux croyants des cultes unitaires. Vous adorez la Mort ! Où sont les civilisations régulières ? Chez tous les peuples polythéistes : l’Inde, la Chine, l’Égypte, la Grèce et Rome. Les peuples monothéistes sont tous barbares et destructeurs ; puissants pour anéantir, ils ne peuvent rien constituer de durable pour eux-mêmes… Que sont les Hébreux ? Dispersés. Qu’est devenu l’empire de Constantin une fois converti ?… Qu’ont su fonder les Turcs, vainqueurs de la moitié du monde ? Et qu’est-il advenu du grand édifice féodal ? Des ruines partout. Et si la civilisation commence à rayonner en Europe depuis le xve siècle, c’est que la foi au monothéisme s’y est à peu près perdue. En voulez-vous la preuve ? Comparez l’Espagne et l’Italie croyantes à l’Allemagne, à l’Angleterre hérétiques et à la France indifférente. »