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les informe, les maintient, est plus fort que le ferment qui tend à les dissoudre, étant d’une nature supérieure. Si le ferment pouvait quelque chose sur les êtres, il les disposerait à recevoir de nouveaux animus, qui, de l’abîme de la nuit, viendraient s’y corporifier ; ainsi il les dissoudrait. Il faut donc qu’ils aient quelque chose en eux qui repousse les atteintes du ferment, et qui soit supérieur à cet esprit ; il faut donc qu’ils aient en eux chacun un animus qui les informe, qui maintient leur forme et qui repousse l’action du ferment ; ainsi ils vivent donc. Si la terre n’était pas animée le ferment aussi la dissoudrait, et la disposerait à recevoir de nouveaux êtres qui rongeraient les récoltes, tourmenteraient les espèces primitives, leur nuiraient, les détruiraient, et elles ne seraient plus alors une simple altération ; mais ne ressembleraient plus aux idées archétypes.

» Le propre du cadavre est de tomber : c’est là l’étymologie primitive de ce mot ; le propre de l’être vivant est de se dresser et de se soutenir parce qu’il a le principe de son mouvement et sa vie en lui. C’est ainsi que je soutiens mon bras, que je dresse ma tête : si les astres n’étaient que des cadavres, ils tomberaient, c’est-à-dire qu’ils se rassembleraient dans un même lieu selon les lois de la pesanteur.

» Voyons maintenant s’ils sont intelligents. Il n’y a dans l’univers que deux sortes d’êtres ; ceux qui sont abandonnés à eux-mêmes, et ceux qui sont inhérents à un autre être : de cette dernière espèce sont les plantes, les arbres, les minéraux, qui suivent le sort du sol auquel ils sont attachés ; ceux qui sont abandonnés à eux-mêmes, sont les animaux, les hommes, les dieux ; ils ont un moi particulier qu’ils doivent conserver : pour en mettre en œuvre les moyens, les choisir, les conserver, il leur faut une ratiocination ; ainsi, les astres sont donc cette ratiocination. Les bêtes sont à elles-mêmes leur propre règle, parce qu’elles ne sont dirigées que par l’instinct ; l’homme peut négliger sa règle, parce qu’il a sa conduite et qu’il peut choisir ses actions ; les astres suivent toujours leur