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» Ce n’est point par l’esprit que nous avons admis le mal ; l’esprit ne se trompe point sur la nature du mal, même dans ses plus grands écarts, et quand il tâche à se prouver que le mal n’est point mal, afin de pouvoir s’y livrer ; mais c’est par le cœur : ainsi, le premier moyen de cette régénération doit être une vertu de cœur, qui est la piété. Mon opinion est que les dieux ont enseigné aux hommes ces moyens de régénération : mon malheureux siècle qui ne peut choisir qu’entre cette opinion et celle que ces moyens de régénération sont une conception naturelle, choisira cette dernière opinion : il ne m’importe pour ce que j’ai à lui prouver et à lui proposer. La piété est donc la première vertu qui puisse nous régénérer ; mais il faut savoir à qui l’adresser ; il faut connaître les êtres à qui l’adresser.

» De quelle langue pourrai-je me servir maintenant ; comment pourrai-je me faire entendre ; quels arguments assez convaincants pourrai-je employer pour détruire l’effet des idées terrestres et des préjugés dans lesquels vous ont enveloppés vos religions particulières qui sont sorties de ces documents universels des dieux ou de cette conception naturelle ? Et encore, de ces ineffables mystères, je ne dois vous produire qu’une partie de ce que je sais et de ce que je conçois. Ouvrez les yeux de vos cœurs ; aplanissez votre entendement ; qu’il soit comme une surface unie qui reçoive et qui conserve les formes de ce que je vais vous dire. Imposez silence un moment à la voix des préjugés de votre enfance et de vos religions et songez qu’il n’y a rien de vrai que ce qui est général, et qu’il n’y a point de vérité dans le particulier : que la Divinité, qui a voulu, sans doute, que les hommes se régénérassent, se réunissent à elle, n’a pu donner à tous les hommes que les mêmes moyens de cette régénération.

» Puisque tous les êtres que nous connaissons ne font pas leur sort eux-mêmes, il faut bien qu’il y ait un Être unique, universel, qui tienne les sorts de tous les êtres en ses mains, et qui en soit le principe. Cet Être je ne dirai pas a produit d’abord, mais produit éternellement des êtres dans lesquels il