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que toi, tu menaces en invoquant, et tu sembles dire : « Être Suprême, la nation veut bien t’offrir quelques fleurs pour ta fête. Nous avons tiré le canon : réponds par un coup de tonnerre, ou sinon prends garde ! »

Mais assurément l’Être suprême, salué par Robespierre, et en faveur duquel Delille de Salle avait composé un mémoire, n’était encore qu’une vaine allégorie comme les autres aux yeux de Quintus Aucler. Il soupçonnait même Robespierre d’avoir gardé au fond du cœur un vieux levain de ce christianisme dans lequel il ne voyait, lui, qu’une mauvaise queue de la Bible. Dans sa pensée intime, les chrétiens n’étaient que les successeurs dégradés d’une secte juive expulsée, formée d’esclaves et de bandits.

Combien de fois il maudissait la tolérance de Julien qui les avait trop méprisés pour les craindre.

— De là, disait-il, la chute de la grande civilisation grecque et romaine qui avait couvert le monde de merveilles. De là, le triomphe des barbares et les ténèbres de l’ignorance répandues sur la terre pendant quinze cents ans !

Pouvait-on douter en effet qu’une doctrine issue de la négation divine formulée par un petit peuple d’usuriers et de voleurs ne fût accueillie avec transport par ces hordes de barbares lointains dont elle favorisait les brigandages ? Longtemps maintenus par la gloire romaine aux confins du monde civilisé, il fallut qu’un empereur, coupable de crimes sans nom, rompît pour eux cette digue morale qui maintenait au monde romain la faveur des dieux tout-puissants ! La réponse des hiérophantes à Constantin : Sacrum commissum quod neque expiare poterit, impie commissum est ! fut l’arrêt fatal du paganisme. La loi des dieux ne connaissait pas d’expiation pour les crimes de l’empereur, et il fut exclu de la célébration des mystères, comme l’avait été Néron. — L’Église nouvelle fut moins sévère et dès lors son triomphe fut assuré. Il devenait clair, d’après cela, que tous les déprédateurs et tous les barbares embrasseraient à leur tour une religion qui tenait des