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ments, le génie de la vérité, les torts des hommes, on abjure l’erreur de l’imagination.

Cependant l’on évitait les regards de la grande prêtresse, elle rentra et sourit de se voir si mal obéie.

— L’Amour triomphe de tout, dit-elle, mais songez à nos conventions, et peu à peu vos âmes s’épureront. Ceci n’est qu’une séance encore, il dépend de vous de la renouveler.

Les jours suivants, on ne se permit point de parler des détails, mais l’enthousiasme pour le comte Cagliostro était porté à une ivresse qui étonnait même à Paris. Il saisit ce moment pour développer tous les principes de la franc-maçonnerie égyptienne. Il annonça aux lumières du grand Orient que l’on ne pouvait travailler que sous une triple voûte, qu’il ne pouvait y avoir ni plus ni moins de treize adeptes ; qu’ils devaient être purs comme les rayons du soleil, et même respectés par la calomnie, n’avoir ni femmes, ni maîtresses, ni habitudes de dissipation, posséder une fortune au-dessus de cinquante-trois mille livres de rente ; et surtout, cette espèce de connaissances qui se trouve si rarement avec les nombreux revenus.

V

LES PAÏENS DE LA RÉPUBLIQUE

L’épisode que nous venons de recueillir nous donne une idée du mouvement qui s’opérait alors dans les esprits et qui se dégageait peu à peu des dogmes catholiques. Déjà les illuminés d’Allemagne s’étaient montrés à peu près païens ; ceux de France, comme nous l’avons dit, s’étaient appelés martinistes, d’après le nom de Martinès, qui avait fondé plusieurs associations à Bordeaux et à Lyon ; ils se séparèrent en deux sectes, dont l’une continua à suivre les théories de Jacob Boehm, admirablement développées par le célèbre Saint-Martin, dit le Philosophe inconnu, et dont l’autre vint s’établir à Paris et y