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sacrés, pour les ruines des temples et pour les débris mêmes des statues, obligea les prêtres chrétiens à bâtir la plupart des églises sur l’emplacement des anciens édifices païens. Partout où l’on négligea cette précaution et notamment dans les lieux solitaires, le culte ancien continua, — comme au mont Saint-Bernard, où, au siècle dernier, on honorait encore le dieu Jou sur la place de l’ancien temple de Jupiter. Bien que l’ancienne déesse des Parisiens, Isis, eût été remplacée par sainte Geneviève, comme protectrice et patronne, — on vit encore, au xie siècle, une image d’Isis, conservée par mégarde sous le porche de Saint-Germain des Prés, honorée pieusement par des femmes de mariniers ; ce qui obligea l’archevêque de Paris à la faire réduire en poudre et jeter dans la Seine. Une statue de la même divinité se voyait encore à Quenpilly, en Bretagne, il y a quelques années, et recevait les hommages de la population. Dans une partie de l’Alsace et de la Franche-Comté, on a conservé un culte pour les Mères, dont les figures en bas-reliefs se trouvent sur plusieurs monuments, et qui ne sont autres que les grandes déesses Cybèle, Cérès et Vesta.

Il serait trop long de relever les diverses superstitions qui ont pris mille formes, selon les temps. Il s’est trouvé, au xviiie siècle, des ecclésiastiques, tels que l’abbé de Villars, le père Bougeant, dom Pernetty et autres, qui ont soutenu que les dieux de l’antiquité n’étaient pas des démons, comme l’avaient prétendu des casuistes trop sévères, et n’étaient pas même damnés. Ils les rangeaient dans la classe des esprits élémentaires, lesquels n’ayant pas pris part à la grande lutte qui eut lieu primitivement entre les anges et les démons n’avaient dû être ni maudits ni anéantis par la justice divine, et avaient pu jouir d’un certain pouvoir sur les éléments et sur les hommes jusqu’à l’arrivée du Christ. L’abbé de Villars en donnait pour preuves les miracles que la Bible elle-même reconnaît avoir été produits par les dieux ammonéens, philistins ou autres en faveur de leurs peuples, et les prophéties souvent