Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allongée, plus bas sur pattes, le bec plus émoussé. J’ai couru sur l’oiseau en faisant des signes de croix ; et, me sentant rempli d’une force plus qu’ordinaire, il est venu tomber à mes pieds. Je voulais lui mettre sur la tête… Un homme de la taille du baron de Loi, aussi joli qu’il était jeune, vêtu en gris et argent, m’a fait face, et dit de ne pas le fouler aux pieds. Il a tiré de sa poche une paire de ciseaux enfermée dans un étui garni de diamants, en me faisant entendre que je devais m’en servir pour couper le cou de la bête. Je prenais les ciseaux quand j’ai été éveillé par le chant en chœur de la foule qui était dans le capharnaum : c’était un chant plein, sans accord, dont les paroles non rimées étaient :


Chantons notre heureuse délivrance.


Réveillé, je me suis mis en prière ; mais, me tenant en défiance contre ce songe-ci, comme contre tant d’autres par lesquels je puis soupçonner Satan de vouloir me remplir d’orgueil, je continuai mes prières à Dieu par l’intercession de la sainte Vierge, et sans relâche, pour obtenir de lui de connaître sa volonté sur moi, et cependant, je lierai sur la terre ce qu’il me paraîtra à propos de lier pour la plus grande gloire de Dieu et le besoin de ses créatures.


Quelque jugement que puissent porter les esprits sérieux sur cette trop fidèle peinture de certaines hallucinations du rêve, si décousues que soient forcément les impressions d’un pareil réçit, il y a, dans cette série de visions bizarres, quelque chose de terrible et de mystérieux. Il ne faut voir aussi, dans ce soin de recueillir un songe en partie dépourvu de sens, que les préoccupations d’un mystique qui lie à l’action du monde extérieur les phénomènes du sommeil. Rien dans la masse d’écrits qu’on a conservés de cette époque de la vie de Cazotte n’indique un affaiblissement quelconque dans ses facultés intellectuelles. Ses révélations, toujours empreintes de ses opinions