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l’admettre, et les sectes publiques en ont fait une arme de tous les partis. Ceci explique l’isolement de Cazotte de ses anciens frères les illuminés. On sait combien l’esprit républicain avait usé du mysticisme dans la révolution d’Angleterre ; la tendance des martinistes était pareille ; mais, entraînés dans le mouvement opéré par les philosophes, ils dissimulèrent avec soin le côté religieux de leur doctrine, qui, à cette époque, n’avait aucune chance de popularité.

Personne n’ignore l’importance que prirent les illuminés dans les mouvements révolutionnaires. Leurs sectes, organisées sous la loi du secret et se correspondant en France, en Allemagne et en Italie, influaient particulièrement sur de grands personnages plus ou moins instruits de leur but réel. Joseph II et Frédéric-Guillaume agirent maintes fois sous leur inspiration. On sait que ce dernier, s’étant mis à la tête de la coalition des souverains, avait pénétré en France et n’était plus qu’à trente lieues de Paris, lorsque les illuminés, dans une de leurs séances secrètes, évoquèrent l’esprit du grand Frédéric son oncle, qui lui défendit d’aller plus loin. C’est, dit-on, par suite de cette apparition (qui fut expliquée depuis de diverses manières) que ce monarque se retira subitement du territoire français, et conclut plus tard un traité de paix avec la République, qui, dans tous les cas, a pu devoir son salut à l’accord des illuminés français et allemands.

V

La correspondance de Cazotte, saisie aux Tuileries le 10 août, le présente souvent comme luttant pour la cause monarchique, avec les armes de la volonté et de la foi, contre les esprits violents qu’il croyait voir attachés au parti de la Révolution et prêts à la faire triompher. Selon lui, l’Antéchrist, l’Apollyon de la Bible, déchaînait ses armées sur l’Europe, et le règne du Seigneur allait être interrompu pour un temps ;