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ciation d’idées qui réunit des courtisans, des guerriers, des femmes, des petits-maîtres, dissertant et plaisantant sur des détails de supplice comme le feront plus tard à la Conciergerie ces seigneurs, ces femmes, ces poëtes, contemporains de Cazotte, dans le cercle desquels il viendra à son tour apporter sa tête, en tâchant de sourire et de plaisanter comme les autres des fantaisies de cette fée sanglante, qu’il n’avait pas prévu devoir s’appeler un jour la Révolution !

IV

Nous venons d’anticiper sur les événements : parvenu aux deux tiers à peine de la vie de notre écrivain, nous avons laissé entrevoir une scène de ses derniers jours ; à l’exemple de l’illuminé lui-même, nous avons uni d’un trait l’avenir et le passé.

Il entrait dans notre plan, du reste, d’apprécier tour à tour Cazotte comme littérateur et comme philosophe mystique ; mais, si la plupart de ses livres portent l’empreinte de ses préoccupations relatives à la science des cabalistes, il faut dire que l’intention dogmatique y manque généralement ; Cazotte ne paraît pas avoir pris part aux travaux collectifs des illuminés martinistes, mais s’être fait seulement, d’après leurs idées, une règle de conduite particulière et personnelle. On aurait tort, d’ailleurs, de confondre cette secte avec les institutions maçonniques de l’époque, bien qu’il y eût entre elles certains rapports de forme extérieure ; les martinistes admettaient la chute des anges, le péché originel, le Verbe réparateur, et ne s’éloignaient sur aucun point essentiel des dogmes de l’Église.

Saint-Martin, le plus illustre d’entre eux, est un spiritualiste chrétien à la manière de Malebranche. Nous avons dit plus haut qu’il avait déploré l’intervention d’esprits violents dans le sein de la secte lyonnaise. De quelque manière qu’il faille