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Il fut quelque temps en silence et les yeux baissés :

— Madame, avez-vous lu le siége de Jérusalem, dans Josèphe ?

— Oh ! sans doute ; qu’est-ce qui n’a pas lu ça ? Mais faites comme si je ne l’avais pas lu.

— Eh bien, madame, pendant ce siége, un homme fit sept jours de suite le tour des remparts, à la vue des assiégeants et des assiégés, criant incessamment d’une voix sinistre et tonnante : Malheur à Jérusalem ! Malheur à moi-même ! Et dans le moment une pierre énorme, lancée par les machines ennemies, l’atteignit et le mit en pièces.

Après cette réponse, M. Cazotte fit sa révérence et sortit. »


L’authenticité de cette pièce a été tour à tour affirmée et démentie ; beaucoup n’y ont vu qu’une scène d’esprit de La Harpe, et pourtant le ton en est sérieux, et bien des écrits de Cazotte le signalent comme un mystique convaincu et sincère.

Tout en n’accordant à ce document qu’une confiance relative, et en nous rapportant à la sage opinion de Charles Nodier, qui dit qu’à l’époque où a eu lieu cette scène, il n’était peut-être pas difficile de prévoir que la révolution qui venait choisirait ses victimes dans la plus haute société d’alors, et dévorerait ensuite ceux-là mêmes qui l’auraient créée, nous allons rapporter un singulier passage qui se trouve dans le poëme d’Ollivier, publié justement trente ans avant 93, et dans lequel on remarqua une préoccupation de têtes coupées qui peut bien passer, mais plus vaguement, pour une hallucination prophétique.


« Il y a environ quatre ans que nous fûmes attirés l’un et l’autre par des enchantements dans le palais de la fée Bagasse. Cette dangereuse sorcière, voyant avec chagrin le progrès des armes chrétiennes en Asie, voulut les arrêter en tendant des piéges aux chevaliers défenseurs de la foi. Elle construisit non loin d’ici un palais superbe. Nous mîmes malheureusement le