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écrit de sa main, parce qu’il croyait y voir les productions rivales des mauvais poëtes du temps qui lui avaient volé les bonnes grâces du roi Henri et de la cour. On trouva plaisant d’accoupler ces deux folies originales et de voir le résultat d’une pareille entrevue. Ce personnage s’appelait Claude Vignet, et prenait le titre de poëte royal. C’était, du reste, un homme fort doux, dont les vers étaient assez bien tournés et méritaient peut-être la place qu’il leur assignait dans sa pensée.

En entrant dans la chambre de Spifame, Claude Vignet fut terrassé : les cheveux hérissés, la prunelle fixe, il n’avait fait un pas en avant que pour tomber à genoux.

— Sa Majesté !… s’écria-t-il.

— Relevez-vous, mon ami, dit Spifame en se drapant dans son pourpoint, dont il n’avait passé qu’une manche ; qui êtes-vous ?

— Méconnaîtriez-vous le plus humble de vos sujets et le plus grand de vos poëtes, ô grand roi ?… Je suis Claudius Vignetus, l’un de la pléiade, l’auteur illustre du sonnet qui s’adresse aux vagues crespelées… Sire, vengez-moi d’un traître, du bourreau de mon honneur ! de Mellin de Saint-Gelais !

— Hé quoi ! de mon poëte favori, du gardien de ma bibliothèque ?

— Il m’a volé, sire ! il m’a volé mon sonnet ! il a surpris vos bontés…

— Est-ce vraiment un plagiaire ?… Alors, je veux donner sa place à mon brave Spifame, à présent en voyage pour les intérêts du royaume.

— Donnez-la plutôt à moi ! sire ! et je porterai votre renom de l’orient au ponant, sur toute la surface terrienne.


Ô sire ! que ton los mes rimes éternisent !…


— Vous aurez mille écus de pension, et mon vieux pourpoint, car le vôtre est bien décousu.

— Sire, je vois bien qu’on vous avait jusqu’ici caché mes